Le fou des montagnes se départit soudain de son mutisme.

« Demande à l'esprit de la pierre de bien vouloir nous déposer ici, Shari. »

Son doigt désignait un torrent scintillant en contrebas qui dévalait joyeusement le flanc verdoyant d'un pic escarpé. Cela faisait plusieurs jours qu'ils survolaient un immense massif montagneux, plusieurs jours pendant lesquels le fou n'avait pas daigné adresser la parole à Shari. Mais l'enfant commençait à s'habituer aux brusques sautes d'humeur de celui qui l'avait recueilli après la mort de sa mère et la destruction totale des villes ameurynes. Il s'accommodait au mieux de ce silence et s'abandonnait alors sans réserve à la joie euphorique du voyage sur la pierre volante. Bonheur sans cesse renouvelé depuis que la reine ronde du champ amphanique s'était élevée pour la première fois dans les airs...

Lorsque l'esprit de l'enfant et celui de la matière sont enfin parvenus à s'harmoniser, à s'unir, la pierre prend son majestueux et silencieux envol, sans qu'il ait besoin de l'en prier, et se pose délicatement quelques mètres plus loin en soulevant une fine pellicule de poussière grise.

« Enfin, déclare le fou des montagnes qui observe la scène du haut d'une pierre, cheveux et barbe au vent, yeux noirs brillants de malice. Nous allons disposer d'un engin de transport ! Nous en avions un besoin urgent pour entreprendre les recherches... »

Shari se demande de quelles mystérieuses recherches il peut bien s'agir mais ne réussit pas à en savoir davantage. Durant les jours qui suivent ce premier succès et avec l'aide précieuse des conseils éclairés du fou, il s'entraîne à diriger l'énorme masse rocheuse, à maîtriser la durée et la longueur de son envol, à nouer à volonté le lien subtil qui relie son âme à celle de la matière. Puis vient l'instant tant attendu où il se juche sur le dos rond de sa monture qu'il chevauche tel un fier conquérant. Docile, elle obéit à ses injonctions pensées, se dirige où il lui demande, survole l'ancien volcan qui abritait Exod, la ville ameuryne, rend visite aux nuages bas qui habillent les contreforts rocheux, fonce au-dessus des plateaux arides, brûlés par le soleil. Son ombre silencieuse disperse les troupeaux des craintives et gracieuses gazelles des sables.

Shari pense à sa mère, imagine sa réaction de fierté à la vue de son fils domestiquant la pierre du champ sacré, un prodige qu'aucun des arrogants amphanes n'est jamais parvenu à accomplir. La pierre fait alors une brusque embardée et il manque de peu se faire précipiter dans l'abîme entre les pics voisins.

« A l'avenir, ne te laisse pas emporter par ton orgueil ! commente le fou dès l'atterrissage de la pierre. Sinon, l'esprit de la matière s'éloignera de toi. Tu es un instrument dans les mains du grand compositeur. Crois-tu que l'instrument puisse s'identifier à la musique ? Nous partons dès demain à la recherche du site où ceux que nous attendons doivent nous rejoindre. Le moment n'est pas bien choisi pour se livrer à des enfantillages. Si tu fais fuir l'esprit de la matière, alors comment pourras-tu réaliser ce qu'il t'est demandé de réaliser ? »

Le lendemain, à l'aube, le fou et l'enfant avaient pris place sur la pierre. Les cimes proches des Hymlyas tachaient de blanc la grisaille matinale. Les étoiles lointaines s'éteignaient peu à peu, minuscules luminaires soufflés de la voûte céleste pâlissante.

« Vous savez où nous allons. demanda l'enfant.

— Pourquoi et comment le saurais-je ? s'exclama le fou en riant. Tu n'as qu'à diriger la pierre vers l'est. En direction du soleil levant. Tu n'as pas envie de contempler la grande chaîne des Hymlyas d'en haut ? »

Pendant trois jours, la pierre avait donc survolé les Hymlyas, pénétrant dans la blanche étoupe de brume qui submergeait les hautes crêtes, contournant les larges parois hérissées de pitons effilés, longeant les profonds et mystérieux défilés, frôlant les sommets enneigés, voguant au-dessus des mers vert et or des interminables forêts qui recouvraient plateaux et vallons, se fondant dans l'éblouissante clarté du chaud soleil. Trois jours durant lesquels le compagnon de voyage de l'enfant, absorbé dans sa contemplation attentive du paysage, était demeuré emmuré dans son silence. A la tombée de la nuit, il se contentait de faire un petit signe à l'enfant pour que celui-ci priât la pierre d'atterrir.

Une fois au sol, Shari était chargé de trouver un abri pour passer la nuit tandis que le fou s'en allait cueillir herbes et fruits pour leur second repas de la journée, en général froid et frugal. Ils dormaient dans des grottes sombres, enroulés dans des couvertures grises d'une étoffe épaisse et rêche identique à celle de la robe du fou. D'étranges rêves peuplaient le sommeil de l'enfant et il lui arrivait de se réveiller en sursaut au milieu de la nuit, couvert de sueur glacée. Un bras amical entourait alors son épaule et, rassuré, il se rendormait aussitôt.

Le matin, après un petit déjeuner succinct — baies sauvages acides, racines amères ou graines séchées — et une toilette sommaire dans l'eau d'une source proche, ils grimpaient sur l'échiné rigide de la pierre. Shari établissait la communication subtile avec l'esprit de la matière, et, au bout de quelques instants, elle décollait du sol moussu et se mêlait au vol des grands aïoules noir et blanc qui quittaient leur aire pour leur chasse quotidienne.

Shari demanda à la pierre d'amorcer sa descente au-dessus du torrent qui projetait en l'air des gouttes de lumière.

« C'est là ? demanda-t-il timidement. — Il se pourrait bien, répondit le fou.

— Comment le savez-vous ? » insista Shari dont la curiosité dévorante était loin d'être rassasiée.

Il éprouvait, de plus, un immense et soudain besoin de parler après ces longues heures de silence forcé.

« Je ne sais rien, mais l'eau de ce torrent nous interpelle. Tu ne l'entends pas ? »

La pierre se posa en douceur sur l'herbe dense qui bordait le lit tortueux de l'impétueux cours d'eau. Le fou s'assit sur la berge du torrent et plongea les pieds dans l'eau.

« L'eau me dit que nous devons rester ici jusqu'à la tombée de la nuit, ajouta-t-il. Car aujourd'hui est le jour. S'ils ne manifestent pas leur présence avant ce soir, alors il faudra attendre que s'écoulent, comme cette eau, de nombreuses générations avant que l'humanité puisse retrouver une petite chance de sortir des ténèbres.

— Qui, "ils" ? » demanda l'enfant qui c'était installé près du fou ?

Il laissait, lui aussi, tremper ses pieds dans l'eau glacée. Il espérait, en imitant son compagnon, déceler une voix audible dans le murmure confus du torrent. Mais à son grand désappointement, l'élément liquide ne lui adressa pas la parole.

« Ceux sans qui la tâche immense qui t'attend ne pourra pas s'accomplir, répondit le fou. Ils sont les piliers de l'édifice que tu vas avoir à construire. S'ils ne viennent pas, tu devras comme moi demeurer dans ces montagnes, avancer seul sur la voie de la connaissance et former un successeur qui à son tour s'efforcera de perpétuer la tradition jusqu'à l'avènement de jours nouveaux, propices à l'expansion de ce savoir accumulé et codifié par nos maîtres. Nous sommes à un moment clé où tout peut basculer d'un côté ou de l'autre. L'univers mérite-t-il qu'on se soucie encore de lui ? Est-il digne d'échapper à la vague de destruction qui cherche à l'engloutir ? Eux seuls détiennent la réponse, car sur eux se pose la main du grand musicien.

— Pourquoi ne viendraient-ils pas, alors ? s'écria l'enfant.

— Parce qu'ils ont le choix. Tout être humain, à quelque niveau qu'il soit, a toujours le choix. Seule la liberté de l'âme donne sa pleine valeur à une décision. Lorsque l'on est déterminé à devenir le fidèle exécutant du grand dessein, la note juste dans la mélodie, il faut que ce soit sans l'ombre d'une contrainte, sans l'ombre d'un regret.

— Mais ils ne peuvent peut-être pas ! plaida l'enfant. Est-ce qu'ils ont des pierres pour voyager ? »

Le fou libéra un rire aussi cristallin que l'eau limpide du torrent. Puis il fixa l'enfant avec beaucoup de tendresse :

« Si toi, tu utilises ta pensée pour parler avec l'esprit de la matière, eux, ils voyagent directement sur leurs pensées. L'éther est leur véhicule. De quel autre support pourraient-ils avoir besoin ? »

Le soleil, cercle d'or sur écrin céruléen, déjà haut dans le ciel, les léchait de sa tiède caresse. Une douce chaleur s'instillait à l'intérieur du corps de l'enfant, l'engourdissait, l'enivrait légèrement. Dans le calme apaisant de cette contrée montagneuse, bercé par le chuchotement continu du torrent, il se sentait envahi de bien-être, de sérénité. Des bulles de béatitude éclataient en lui, légères, ineffables. Il ne faisait plus qu'un avec l'environnement, il n'était plus coupé, dissocié de lui. Au contraire, nature et enfant, chacun à leur manière, chacun à leur niveau, constituaient les maillons liés les uns aux autres d'une chaîne infinie de lumière. Il avait maintenant l'impression de distinguer clairement le chant du torrent, les notes émises par les innombrables gouttes qui composaient la symphonie de l'eau bondissante : elles célébraient la gloire de la création.

Lorsqu'il émergea de son ravissement extatique, il se rendit compte avec stupeur que le soleil avait déserté la plaine céleste assombrie et que l'armée sournoise du crépuscule commençait à cerner reliefs et contours. Le fou avait lui aussi disparu. L'enfant eut beau jeter des regards apeurés autour de lui, il ne parvint pas à distinguer la silhouette familière.

Les heures avaient défilé à une vitesse effrayante et aucun visiteur ne s'était encore manifesté. L'enfant pensa avec tristesse aux paroles du fou, porteuses des terribles promesses des malheurs du monde. Il fixa farouchement la berge opposée, noyée de ténèbres, comme si son regard avait la subite vertu de provoquer l'apparition de ceux qui pouvaient encore éviter l'irréversible catastrophe. Il avait vu sa mère, liée au poteau sacrificiel, endurer un véritable calvaire, et il lui semblait inconcevable, abominable, que d'autres mères et d'autres enfants pussent un jour être confrontés à la même épreuve.

Il crut apercevoir des formes mouvantes sur les rocs escarpés qui surplombaient le cours d'eau. Fou d'espoir, il se releva et escalada agilement l'éperon rocheux.

Hors d'haleine, mains, bras et torse griffés, il déboucha sur une corniche exiguë au bord de laquelle le torrent se transformait en cascade échevelée avant de reprendre son cours habituel.

Il vit alors un homme et une femme drapés dans de longs tissus colorés, assis à même le sol pierreux, l'un en face de l'autre, yeux clos, se tenant par les mains.

« C'est vous ? » cria précipitamment Shari, pris d'une inexplicable peur de les voir soudain s'évanouir.

Les paupières de la femme et de l'homme se soulevèrent et leurs yeux s'efforcèrent de percer les ténèbres naissantes.

« C'est vous que le fou des montagnes attend ? répéta l'enfant, au comble de l'excitation, en s'approchant du couple.

— Qui es-tu, enfant ? » demanda la femme d'une voix douce.

L'enfant n'avait jamais contemplé une femme d'une aussi grande beauté. Les fines tresses de ses longs cheveux aux reflets d'or étaient ornées de fleurs roses. Quant à l'homme au visage encadré d'une barbe fournie, des traits de peinture rouge et noire encerclaient ses bras nus.

« Je suis Shari Rampouline, répondit l'enfant avec une fierté empreinte de naïveté qui les fit sourire. Nous sommes venus ici, moi et le fou des montagnes, avec la pierre volante pour guetter l'arrivée des visiteurs. Est-ce que c'est vous, les visiteurs ?

— Qui est ce fou des montagnes dont tu parles ? interrogea l'homme.

— C'est lui qui m'a recueilli après la mort de ma mère. Lui qui m'a appris comment parler avec l'esprit de la pierre. Il connaît un tas d'autres choses. Il m'a dit, par exemple, que vous voyagez sur les pensées. Est-ce que c'est vrai ? »

L'homme et la femme se consultèrent du regard. Puis elle dit :

« Nous aussi, depuis quelque temps nous sommes à la recherche de quelqu'un. Nous nous apprêtions à repartir car nous pensions que ce monde n'était pas habité et qu'il ne servait à rien de rester plus longtemps. Peux-tu nous présenter cet homme ? S'il sait autant de choses que tu le prétends, peut-être pourra-t-il nous aider dans notre recherche.

— Venez avec moi ! s'exclama l'enfant, enthousiaste. Il ne doit pas être bien loin. Il va souvent cueillir des herbes quand le soir tombe. »

Au moment où le couple et l'enfant entamaient leur descente sur les échines rocheuses, une voix retentit brusquement :

« Inutile de me chercher plus loin. Je suis là ! »

La silhouette du fou des montagnes se découpait de l'autre côté de la cascade, comme surgie par enchantement de la muraille aquatique. Il y eut un long moment de silence, pendant lequel la femme, l'homme et le fou s'observèrent mutuellement. Les yeux intrigués de l'enfant allaient de l'un à l'autre comme des papillons effarouchés ne sachant où se poser.

Ce fut l'homme qui rompit le silence en premier :

« Je suis Tixu Oty, d'Orange. Voici mon épouse, Aphykit, fille de Sri Alexu, de Syracusa. Je crois que c'est vous que nous cherchions ! »

Le visage radieux du fou s'éclaira d'un large et bienveillant sourire, ses dents blanches étincelèrent dans la nuit de sa barbe.

« Je suis celui qu'on appelle le fou des montagnes, de Terra Mater, et je vous attendais. »

L'enfant, n'y tenant plus, hurla :

« Alors, ce sont eux?... Ce sont eux ?

— Ne crie donc pas si fort ! le réprimanda le fou. Nos amis ne sont pas sourds ! »

Tixu et Aphykit semblaient transis d'émotion : le fait d'être enfin parvenus au bout de leur longue quête les laissait soudain sans force, comme vidés de toute énergie. La rencontre tant attendue avec cet homme, celui qu'ils considéraient comme le troisième maître, les emplissait d'une timidité excessive, les écrasait subitement d'un lourd fardeau d'humilité. Pendant des semaines ils avaient voyagé sans relâche, ne prenant pas le temps de se reposer, allant jusqu'au bout et même au-delà de leurs possibilités physiologiques. A peine l'étrange cérémonie de leur mariage célébré par la tribu de la forêt s'était-elle achevée qu'ils étaient immédiatement repartis, poursuivant inlassablement leur quête.

« Je ne suis pas le troisième maître, dit le fou comme s'il avait deviné leurs pensées. Je ne suis qu'un médiateur et je vais bientôt quitter ces mondes. L'enfant et vous, vous êtes désormais les trois maîtres... »

L'appel des mondes intermédiaires était de plus en plus fort. Le fou avait reconstitué la chaîne et il pouvait maintenant partir en paix. Il remarqua l'intense fatigue qui creusait les traits de ses interlocuteurs.

« Venez, je vous ai préparé un bon repas. Nous aurons tout loisir de parler ensuite... »

L'enfant dévala la pente à toutes jambes, cabri sautant lestement d'une pierre à l'autre. Il oublia dans sa hâte d'attendre les nouveaux arrivants qui, eux, main dans la main, prenaient tout leur temps pour descendre.

Il y avait si longtemps, depuis la mort de sa mère, que Shari n'avait pas fait un bon et vrai repas.



[1] Le mot « camorre » semble trouver ses origines dans la légendaire civilisation de Terra Mater. La Camorre ou Camorra, ou encore Mafiha, aurait constitué un gouvernement parallèle, secret, infiltré dans tous les pouvoirs officiels de Terra Mater (environ 5 000 années standard avant Naflin). Essentiellement composée de Ritales (natifs de la Ritalie), cette organisation puissante et ramifiée aurait vécu de divers trafics et surtout du trafic d'influence. Difficile de démêler la réalité de la fiction dans cette saga du crime, dont le héros aurait été un certain Alcapone.

[2] Selp Dik, étymologiquement, en langue selpidienne : « Pays de Magie ». Note du traducteur Messaodyne Jhû-Piet.

[3] Note du cardinal Molanaliphul : Effectivement, cet homme n'est pas venu témoigner de son plein gré. Il a été convoqué à la suite d'une dénonciation anonyme, ce qui explique en partie sa réaction rebelle, réticence qui lui vaudra d'ailleurs d'être condamné au supplice de la croix-de-feu à combustion lente.

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